Écrit par Marion Rungette
Damien Baldin : « Développer l’innovation sociale, un vrai motif de fierté »
Entretien avec Damien Baldin, directeur général de la Fondation La France s’engage
Damien Baldin occupe depuis 2020 le poste de Directeur Général de la fondation La France s’engage, reconnue d’utilité publique pour son soutien aux projets sociaux innovants à fort impact. Lauréat de la fondation en 2019 avec son association Le Choix de l’école, il est également administrateur du Centre Français des Fonds et Fondations. En 2020, il s’est présenté aux élections municipales à Issy-les-Moulineaux, obtenant la troisième place avec 12,9% des voix et siège désormais au Conseil municipal.
Petit regard dans le rétro… La France s’engage a 10 ans cette année, qu’est-ce qui vous rend le plus fier dans cette aventure ?
Notre plus grand motif de fierté, c’est qu’en 10 ans, La France s’engage a permis à des projets formidables de se déployer pour améliorer le quotidien de centaines de milliers de femmes et d’hommes dans tous les territoires, en métropole comme en Outre-mer.
Rien qu’en 2023, les associations et entreprises que nous accompagnons ont touché 300 000 bénéficiaires, dans des domaines essentiels de la solidarité : la réduction des inégalités de naissance ou de vie, la restauration du lien social, la lutte contre les violences faites aux femmes, la formation aux métiers de la transition écologique, l’attractivité du métier d’enseignant, l’insertion sociale et professionnelle de celles et ceux qui sont les plus éloignés des formations et de l’emploi…
Nous accompagnons des centaines de femmes et d’hommes, de tout âge, de tout horizon social, culturel et géographique. Ils sont devenus entrepreneurs sociaux pour mille raisons. Toutes et tous ont changé leur vie et changer celles des autres, en trouvant des solutions innovantes concrètes à des problèmes sociaux.
Parmi les 233 associations et entreprises que nous avons accompagnées depuis 10 ans, certaines réussites nous inspirent particulièrement, comme le réseau VRAC qui a quasiment triplé le nombre de ses bénéficiaires sous notre impulsion pour rendre accessible une alimentation de qualité dans les quartiers populaires ; La Cloche qui est passé de 16 000 services rendus par ses commerçants solidaires aux personnes sans abri à 90 000 en 3 ans ; Villages Vivants qui a pu créer une foncière et lever 1,8 millions d’euros pour revitaliser les territoires ruraux. Mais aussi La Cravate Solidaire, Simplon.co, Les P’tits Doudous, les écoles ETRE…. Les exemples sont nombreux. Ils portent haut les couleurs de l’inventivité, du savoir-faire et de l’ambition de l’innovation sociale !
Si, chaque jour, à La France s’engage, nous parvenons concrètement à aider au développement de l’innovation sociale, c’est parce que nous travaillons avec un collectif dédié au seul intérêt général et qui a réussi à fédérer des acteurs privés et publics, des mutuelles et des entreprises du CAC 40, des chercheurs et des élus de terrain, un ancien Président de la République et des dirigeant associatifs de toute la France. Et là aussi, c’est un vrai motif de fierté !
Quels sont, selon vous, les principaux défis auxquels sont confrontés les projets à impact en France aujourd’hui, et plus généralement les entreprises de l’ESS ?
En tant qu’ancien dirigeant associatif et directeur général de La France s’engage depuis 4 ans, je ne connais que trop bien les difficultés des entreprises de l’ESS à pérenniser et déployer des modèles économiques d’avenir, leurs difficultés face aux enjeux de communication, d’organisation et d’attractivité des ressources humaines, de mesure d’impact et de financement.
Partant de ce constat, les défis à relever sont de trois ordres :
Le financement :
Les entreprises de l’ESS ont autant besoin d’investissements financiers publics et privés, que de dons, autant besoin de la finance solidaire que de la générosité publique parce qu’elles sont des entreprises d’avenir autant que des acteurs de l’intérêt général. Elles devraient également être un bénéficiaire majeur des investissements d’avenir et accéder plus facilement aux marchés publics.
Le déploiement d’une culture de l’ESS en-dehors de l’ESS :
Je crois que l’ESS devrait davantage interagir avec trois parties prenantes, essentielles à mobiliser : la jeunesse, les fonctionnaires et les journalistes. Je formule le vœu que l’ESS soit davantage connue de ces publics par un effort accru de formation initiale et continue.
La mise en œuvre de filières d’excellence de l’ESS :
L’ESS peut apporter des solutions opérationnelles et performantes à des enjeux de société majeurs et urgents que les politiques publiques couvrent peu, mal ou pas assez. Je pense aux enjeux du vieillissement, du logement, de la santé, de la pauvreté, de l’éducation, de l’insertion professionnelle, de l’accueil des réfugiés, des violences faites aux femmes, de l’alimentation et de la petite enfance. En se structurant en filières d’excellence, l’ESS apporterait la démonstration de sa capacité collective à relever ses défis, à l’échelle nationale comme locale.
Et demain… Comment l’ESS peut-elle inspirer l’économie « classique » pour une transformation positive de la société ?
En valorisant davantage ses réussites et son potentiel.
L’ESS pèse déjà 14 % des emplois privés, c’est énorme ! Et en dehors de l’ESS, les entreprises à mission, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), la notion de valeur extra-financière des entreprises prennent de plus en plus d’importance. C’est déjà une influence positive de l’ESS sur l’économie classique qu’il faut reconnaître.
Je crois à la force de l’exemple et à la puissance du dialogue. A La France s’engage, nous sommes quotidiennement les témoins de la formidable synergie qui peut naître entre les acteurs de l’économie conventionnelle et ceux de l’économie sociale et solidaire.
Notre Fondation a été pensée comme un tiers lieu de confiance pour permettre ces rencontres, ce dialogue constructif, cette inspiration.
Et je plaide ardemment pour que les instances représentatives du monde de l’ESS et de l’entreprise classique se parlent, au nom de l’intérêt général et de l’utilité sociale. L’urgence des enjeux sociaux et environnementaux nous impose d’accélérer ce dialogue.