Écrit par Marion Rungette
Fanny Picard : « Le leadership porté par des femmes se traduit par une plus grande prise en compte des enjeux humains dans la gouvernance d’entreprise ».
Fanny Picard, Associée fondatrice d’Alter Equity.
Fanny Picard a fondé et préside le fonds alter equity, pionnier de l’investissement à impact en France. Elle a préalablement notamment été Directrice des Opérations financières de Wendel, ainsi que Directrice des fusions & acquisitions du groupe Danone pour l’Europe de l’Ouest et l’Amérique du Nord. Elle a commencé sa vie professionnelle dans le conseil en fusions & acquisitions chez Rothschild & Co.
Fanny Picard est membre du Conseil de surveillance de Tikehau Capital dont elle préside le Comité Gouvernance et Développement Durable et du Conseil d’administration de GL Events dont elle préside le Comité RSE.
Elle est diplômée de l’ESSEC et de la SFAF ainsi que titulaire d’une Maîtrise de Droit des affaires et ancienne auditrice du Collège des Hautes Etudes de l’Environnement et du Développement Durable.
33% des entreprises financées par votre premier fonds d’investissement
étaient dirigées par des femmes. En quoi le leadership féminin renforce-t-il
l’impact positif des entreprises ?
Il est difficile de répondre à cette question sans généraliser abusivement. Il nous semble néanmoins chez alter equity que trois grandes dimensions se détachent.
Sens particulier de la responsabilité
Nous constatons chez un grand nombre de femmes dirigeantes d’entreprises à impact un sens inné, aigu, de la responsabilité. Une responsabilité qui s’exerce à la fois vis-à-vis du collectif et vis-à-vis des interlocuteurs, de façon individuelle.
Cette inscription éthique emporte plusieurs types de comportements à impact positif : volonté de faire émerger des solutions qui servent le bien commun, particulièrement mais pas uniquement dans les domaines du care (éducation, santé et soins), enthousiasme à engager une dynamique de progrès vers plus de RSE dans la pratique des affaires, intégrité et transparence.
Peut-être que ce sens de la responsabilité conduit par ailleurs particulièrement les femmes à s’intéresser à des enjeux de long terme.
Sensibilité
Le leadership porté par des femmes tend dans certains cas à développer un modèle de gouvernance intégrant plus de sensibilité et d’intuition.
Sur le terrain, cela se traduit probablement par une plus grande prise en compte des enjeux humains dans la manière de gérer l’entreprise, créant un environnement de travail motivant, bienveillant et inclusif.
Résilience et courage
Le courage et la résilience sont souvent considérés comme des qualités masculines, qu’il fallait pour aller combattre. Les femmes dirigeantes nous semblent en porter au moins autant !
Alter Equity, à sa fondation en 2007, a été « la première entreprise à parler d’investissement à impact social et environnemental dans les entreprises
non cotées en France ». C’est aujourd’hui une société référente dans le financement
des start-ups à impact social/environnemental… Quel bilan tirez-vous
de ce parcours ?
Quand j’ai commencé à travailler au projet Alter Equity en 2007, il y a 18 ans, l’idée d’investir de façon rentable dans le non coté avec une utilité à la fois sociale et environnementale apparaissait utopique. Le modèle libéral de l’Ecole de Chicago était prédominant dans le monde des affaires et particulièrement du private equity, selon lequel la seule responsabilité de l’entreprise et de ses dirigeants est de maximiser son profit au service de ses actionnaires.
Cette vision de la finalité de l’entreprise a profondément évolué. Aujourd’hui en France, avec la Loi Pacte, les réglementations et nouvelles pratiques RSE, il est largement admis que l’entreprise doit intégrer dans ses objectifs l’intérêt de ses parties prenantes, même si la nécessité de rémunérer le capital est évidente en parallèle.
Parmi d’autres, nous avons contribué à démontrer qu’il est parfaitement possible d’être à la fois rentable et responsable, en attirant, motivant et retenant des talents, en satisfaisant ses clients, en améliorant sa rentabilité et en diminuant ses risques, allant jusqu’au licence to operate dans certains secteurs.
Alter Equity compte dans ses rangs 79% de femmes. En quoi cela participe du modèle d’entreprise durable que vous valorisez auprès de vos clients ?
La place des femmes au sein de notre équipe ne fait pas partie de nos engagements vis-à-vis de nos souscripteurs. Elle est due à ce que recrutement après recrutement, ce sont des candidates femmes qui nous ont le plus convaincus. C’est un hasard. Il a probablement néanmoins été facilité par le fait que nous sommes formés et veillons à éviter les biais cognitifs inconscients négatifs vis-à-vis des femmes. Par ailleurs, le secteur du Développement Durable attire particulièrement les femmes.
Cette féminisation élevée concerne aussi nos investissements : 33% des participations de notre premier fonds étaient dirigées par des femmes, ce qui formait à cette époque un record dans l’investissement non coté en France alors que ce n’était non plus un objectif de notre philosophie d’investissement.
Dans ces deux dimensions, ces résultats illustrent ce que nous cherchons à démontrer : l’investissement financier peut (et doit !) porter le changement sociétal vers une économie plus inclusive, plus durable et plus responsable.