Isabelle Rouhan : « Intégrer l’intelligence artificielle comme un levier stratégique de gouvernance et de performance »

Entrepreneure, Isabelle Rouhan dirige depuis 2017 Colibri Talent, cabinet de recrutement de dirigeants. Elle intervient principalement dans les domaines de l’IA, de la data science et des systèmes d’informations. Passionnée par l’éducation et le futur du travail, elle a cofondé et préside l’Observatoire des Métiers du Futur, think-tank qui vise à développer l’employabilité afin de d’impacter positivement les entreprises et le débat public sur ce thème. 

En 2025, quelles sont les compétences clés que les entreprises doivent privilégier
pour rester performantes tout en ayant de l’impact ? 

En 2025, les entreprises performantes et impactantes se distinguent par trois compétences clés.

L’agilité leur permet de s’adapter rapidement aux évolutions du marché et aux imprévus. Selon plusieurs études récentes consacrées aux méthodes agiles (jean, design thinking et méthode scrum), 84 % des entreprises ont constaté une amélioration de la productivité grâce aux méthodes agiles, et 87 % ont noté une meilleure gestion des changements de priorités.

Le sens critique est également essentiel pour analyser l’information avec discernement et prendre des décisions éclairées. Cette compétence est d’autant plus critique avec l’essor des IA génératives, qui viennent accompagner les collaboratrices et collaborateurs dans leurs taches quotidiennes. Toutefois, les approches basées sur l’intelligence artificielle générative « souffrent » d’un taux d’hallucinations et d’inexactitudes en moyenne de 30 %. Pouvoir les détecter et les rectifier est devenue une compétence clef.

Enfin, la capacité d’apprendre à apprendre assure une évolution continue des compétences. Dans un monde où les connaissances actuelles deviennent obsolètes de plus en plus rapidement, l’agilité d’apprentissage est cruciale pour rester compétitif. En effet, d’après le rapport du Forum Économique Mondial de janvier 2025, 50 % des compétences seront bouleversées d’ici à 5 ans par l’IA générative, et pour y faire face, 60 % des salariés devront être formés mais la moitié n’a pas accès à la formation.

En cultivant ces trois qualités, les organisations renforcent nettement leur compétitivité et leur vision stratégique.

Face à la perspective de disparition de millions d’emplois, quelle stratégie
les entreprises devraient-elles adopter dès maintenant pour assurer la pérennité
de leurs talents actuels tout en restant attractives pour les nouveaux profils ? 

Face à la transformation massive et indubitable du marché du travail, marquée par la disparition annoncée de nombreux d’emplois d’ici 2030 et l’essor fulgurant de l’IA générative, les entreprises doivent repenser leur stratégie pour fidéliser leurs talents tout en restant attractives. Plutôt que de céder à la crainte d’un remplacement pur et simple des travailleurs par l’automatisation, elles doivent accompagner leurs collaboratrices et collaborateurs dans l’acquisition de nouvelles compétences, en particulier celles liées à l’IA et aux technologies émergentes. L’enjeu n’est pas seulement de protéger les emplois existants, mais de préparer activement les équipes aux métiers de demain, qui seront davantage tournés vers l’analyse, la créativité et l’interaction avec les outils intelligents. Par ailleurs, plus on digitalise les processus, et plus il faut remettre de l’humain pour fluidifier la relation : les métiers du conseil, du soin et de l’accompagnement sont donc à renforcer en priorité.

Les organisations qui sauront intégrer des plans de formation ambitieux et accessibles, favorisant l’apprentissage continu, seront celles qui attireront les meilleurs profils et limiteront le risque de voir leurs employés remplacés par d’autres plus qualifiés. Il ne s’agit pas simplement d’une mise à jour technique, mais d’un changement culturel profond : encourager la curiosité, la flexibilité et la capacité d’adaptation devient essentiel. En parallèle, la valorisation du travail humain à travers une politique de reconnaissance et d’évolution de carrière cohérente permet d’éviter l’érosion de l’engagement des équipes.

L’autre levier d’attractivité repose sur l’innovation managériale et organisationnelle. L’IA promet d’accroître la productivité, mais elle ne remplacera pas le besoin d’un cadre de travail stimulant, porteur de sens et d’épanouissement. Offrir un environnement de travail hybride, renforcer la transparence sur les perspectives d’évolution et impliquer activement les salariés dans les décisions stratégiques sont des leviers concrets pour fidéliser les talents. Si l’IA représente un tournant économique majeur, son adoption réussie repose avant tout sur la capacité des entreprises à replacer l’humain au centre du changement, en transformant la contrainte technologique en opportunité collective.

Comment les entreprises peuvent-elles se saisir de l’IA comme un outil clé
de gouvernance et de performance dans les années à venir ?

Les entreprises peuvent intégrer l’intelligence artificielle comme un levier stratégique de gouvernance et de performance en s’appuyant sur plusieurs axes.

D’abord, l’IA permet d’améliorer la prise de décision en fournissant des analyses prédictives et des recommandations basées sur des données en temps réel. En exploitant le machine learning et le traitement du langage naturel, les dirigeants peuvent affiner leurs stratégies et anticiper les risques avec une précision accrue.

Ensuite, l’automatisation intelligente optimise les processus internes en réduisant les tâches répétitives, libérant ainsi du temps pour les collaborateurs afin qu’ils se concentrent sur des missions à forte valeur ajoutée. Cela contribue à améliorer la productivité et l’agilité de l’organisation.

Enfin, l’IA renforce la gouvernance en favorisant la transparence et la conformité. Grâce aux algorithmes de détection des fraudes et aux outils d’analyse de conformité, les entreprises peuvent mieux gérer les risques réglementaires et assurer un cadre éthique à leurs opérations.

Pour maximiser ces bénéfices, il est crucial d’accompagner cette transformation avec une stratégie d’acculturation à l’IA, de garantir une gouvernance responsable des données et d’adopter une approche centrée sur l’humain afin que cette technologie reste un catalyseur de performance durable.