Écrit par Marine DEFALT
Sébastien Mandron : « Les directeurs RSE jouent un rôle clé dans la transformation de modèle des entreprises »
Entretien avec Sebastien Mandron, Directeur Durabilité chez Worldline et Administrateur du C3D
Sébastien Mandron a rejoint Worldline en 2011 pour accélérer la transformation opérationnelle de l’entreprise et améliorer les performance de durabilité du Groupe. Il a lancé les programmes de transformation RSE Trust 2020 et Trust 2025. Sébastien a été nommé au conseil d’administration du C3D, regroupant tous les responsables RSE français. En 2020, il a également rejoint le conseil d’administration du Pacte Mondial France des Nations Unies.
Quelles est la révolution en cours dans le monde de la RSE ?
La mise en œuvre de nouvelles réglementations européennes en matière de durabilité (la CSRD) crée une vague de transformation. Son application va obliger les entreprises à publier un nouveau rapport de Durabilité incluant, des indicateurs normés, des plans d’action financièrement chiffrés qui doivent démontre que leur Business Modèle est durable dans le temps, et qu’elles sont en mouvement pour se protéger des risques à venir. Ces réglementations concernent environ 50 000 entreprises en Europe et 6000 entreprises en France, c’est donc un mouvement massif. Cette vague de changements est également soutenue par un intérêt croissant des consommateurs et des collaborateurs pour les entreprises engagées dans des pratiques durables.
Dans ce cadre, les directeurs RSE, quand ils existent jouent un rôle central : celui d’arriver à mesurer et anticiper les risques climatiques à venir et leur impact sur l’entreprise. Ils doivent faire face à un décalage entre leurs préoccupations à long terme et les préoccupations plus immédiates du comité de direction et des directeurs financiers, et ce, même si leur rôle est de plus en plus reconnu. En termes de gouvernance, c’est donc au sein des conseils d’administration, garants de la durabilité de l’entreprise, qu’il faut être, et dans lequel ils sont entendus car c’est là que se forgent les convictions.
Pour le moment, ces sujets concernent les grandes entreprises qui sont dans la première vague de publication en 2025. Du côté des petites entreprises, si elles sont plus agiles, leurs défis en matière de RSE sont le manque de ressources RSE et de connaissances sur le sujet. Il est normal que beaucoup de petites et moyennes entreprises soient inquiètes sur leur capacité à se conformer à ces règlementations. Elles disposent cependant de plus de temps pour s’y préparer et pour s’inspirer des grandes entreprises de leur secteur qui auront ouvert la voie. La demande croissante de solutions de RSE, couplée à l’expérience des grands groupes va créer des opportunités chez les prestataires de services spécialisés, qui fourniront « clé en main » toutes les matrices et plans d’actions sectoriels pour aider ces entreprises à naviguer dans ce paysage complexe.
Quel est le nouveau rôle des directeurs RSE ?
Au cours des 10 dernières années, le métier de directeur RSE n’a cessé d’évoluer chaque année. Les sujets varient très rapidement. Les directeurs RSE sont en permanence en train de qualifier les problèmes qu’ils rencontrent et d’essayer d’y trouver des solutions. Ils doivent désormais anticiper les défis futurs liés à la durabilité, notamment en ce qui concerne la biodiversité et le climat, sur lesquels il y a un grand nombre de questions mais peu de solutions qui répondent aux enjeux poussés par la CSRD. Leur rôle ne se limite plus à la conformité réglementaire, mais vise à identifier les problèmes émergents et à proposer des solutions innovantes. C’est donc un rôle de visionnaire et de catalyseur du changement indispensable aux entreprises pour entrer dans un monde où les effets du réchauffement climatiques se font de plus en plus concrets et où l’attente des limites planétaires ne constitue plus un sujet lointain et tabou….
La collaboration et le partage de connaissances sont essentiels dans ce nouveau rôle. Les directeurs RSE travaillent toujours plus en réseau pour échanger des idées et des bonnes pratiques, car ils partagent tous les mêmes difficultés sans être en concurrence direct sur ce domaine. En intégrant les limites planétaires et climatiques dans leurs stratégies, ils contribuent ainsi à transformer les entreprises vers un modèle plus durable, fondé sur la curiosité, l’innovation et la recherche de solutions efficaces.
Quelles transformations sont à prévoir dans les 12-18 prochains mois ?
Les premières publications liées à la CSRD sont attendues sous peu, marquant le début de cette nouvelle ère pour les entreprises concernées. La mise en œuvre de la CSRD va révéler les premiers partis pris des pionniers dans cette publication en matière de durabilité et stimuler ainsi la mise en place de solutions presque 1 an avant l’obligation de publication édictée par la Directive Européenne.
Évaluées en fonction de leurs actions environnementales et surtout en fonction des moyens financiers allouées, les entreprises vont être confrontées à un questionnement financier et opérationnel, en particulier pour celles qui sont en retard dans leurs efforts de durabilité. Cette lisibilité va permettre aux investisseurs de comparer les performances extra-financières et les investissements opérés par les entreprises pour se préserver des risques environnementaux et sociaux. Et cela va forcément influencer des décisions d’investissement.
Pour assurer le succès de cette transition, la collaboration entre les départements RSE et financier va être essentielle. Si les directions RSE ont la connaissance des sujets ESG elles doivent travailler en étroite collaboration avec les équipes financières pour garantir des rapports robustes et une collecte de la donnée efficace et fiable sur le long terme. Cette collaboration permettra de mieux intégrer les considérations environnementales, sociales et gouvernementales dans les décisions financières et opérationnelles de l’entreprise, conduisant ainsi à une transformation plus holistique et durable de son modèle d’affaires.